Le Syndicat National des Ophtalmologistes de France et le Syndicat National Autonome des Orthoptistes ont accordé leurs violons pour dénoncer l’usage de la téléconsultation dans les magasins d’optique ou dans des espaces de e-santé qui s’ouvrent ici et là. 

Le Syndicat National des Ophtalmologistes de France et le Syndicat National Autonome des Orthoptistes ont accordé leurs violons pour dénoncer l’usage de la téléconsultation dans les magasins d’optique ou dans des espaces de e-santé qui s’ouvrent ici et là. L’accès aux soins visuels est au cœur du débat avec des médecins de la vue en nombre insuffisant et à l’agenda surbooké peu enclins à assurer des téléconsultations en ophtalmologie, et des opticiens qui souhaitent être des professionnels plus engagés dans le parcours de soin pour valoriser leur expertise en termes de santé optique. Sans préjuger de la pertinence des arguments des uns et des autres, il faut regarder dans le rétroviseur de l’actualité. Le Covid a participé à l’essor de la téléconsultation en médecine générale qui existe depuis une dizaine d’années, elle semble s’installer dans les usages qui étaient jusque-là anecdotiques. En réalité de quoi parle-t-on ?

Une étude de l’Institut économique Molinari parue en janvier 2022 constate que les téléconsultations représentent aujourd'hui 5 % des consultations totales des médecins généralistes et des dentistes en France. Une étude menée par des sociétés de services d'accès à la téléconsultation (Doctolib, Livi, Qare, Teladoc, Medadom, Feeli et Tessan) remarque que depuis la fin de la crise sanitaire, les téléconsultations sont retombées à moins de 10 % des consultations médicales. Cette fourchette ne remet pas en cause l’enjeu d’accès aux soins et l’utilité de cette technologie : les utilisateurs sont 27,6 % à ne pas avoir de médecin traitant, contre 11 % de la population générale, et 25 % habitent un désert médical contre 17,3 % des Français. Des chiffres que tempère pourtant la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) dans un article publié en décembre 2022 : « Les téléconsultations ne sont pas particulièrement réalisées avec des patients résidant dans les zones les moins dotées en médecins généralistes : 23,3 % des téléconsultations sont faites avec les 20 % de la population les mieux dotés en médecins généralistes, tandis que 17,9 % sont réalisées avec les 20 % les moins bien dotés. » De plus, une majorité de patients âgés de 15 à 44 ans, qui habitent les grands pôles urbains, sont utilisateurs de la téléconsultation à proximité de leur lieu de résidence : « pour 58,6 % des consultations à distance, le médecin exerce dans la commune de résidence du patient ou à moins de 5 kilomètres (contre 62,7 % des consultations en cabinet). » Enfin, si les téléconsultations sont amenées à se développer, elles devront améliorer la relation patient-médecin en distanciel : « 16 % des utilisateurs se disent très ou tout à fait satisfaits et 38 % étant moyennement satisfaits », selon la DRESS. Les marges d’amélioration et les freins sont encore nombreux…

Dans ce contexte, l’encadrement réglementaire et déontologique réclamé par les syndicats des ophtalmologistes et des orthoptistes est un préalable au développement de la téléconsultation en santé visuelle, avec un bornage éthique et médical. Mais compte tenu de la relative jeunesse de la téléconsultation, il semble nécessaire de laisser le champ libre à des expérimentations sur le terrain pour mieux cerner les réelles attentes d’usagers de plus en plus nombreux à souhaiter prendre en main leur santé, indépendamment d’un parcours fléché. Et en profitant des outils numériques proposés par des acteurs de la e-santé qui animent un marché en pleine expansion estimé à 234,5 milliards de dollars à l’horizon 2023, d’après une analyse prospective de la société de conseil Frost & Sullivan. La santé n’est plus aux mains des seuls experts médicaux, les patients s’autonomisent et ne veulent plus rester passifs dans les salles d’attente.  

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