"De plus en plus d'opticiens se sentent asphyxiés"
En concertation avec d'autres professions de santé, Les Opticiens Lunetiers Unis écrivent aux sénateurs qui devraient prochainement étudier la proposition de loi visant à autoriser aux mutuelles la pratique des remboursements différenciés via leurs réseaux de soins.
Une partie des opticiens, notamment ceux réunis au sein de l'association Les Opticiens Lunetiers Unis - issus, rappelons-le, du mouvement Les Opticiens ne sont pas des pigeons - continue de se mobiliser contre la proposition de loi n°296, dite Le Roux. "Rien n'est joué d'avance", assure son président, Yann Fournier, que nous avons contacté par téléphone. La nouvelle action de ce collectif prend aujourd'hui la forme d'un courrier adressé aux sénateurs qui devraient, en juillet normalement, examiner la proposition de loi. Cette lettre a été rédigée conjointement avec l'Union Française pour une Médecine Libre (UFML) et la Fédération des Syndicats Dentaires Libéraux (FSDL), toutes deux également
entrées en "résistance", selon le mot de Yann Fournier, contre cette proposition qui "porte atteinte à notre liberté d'exercice ainsi qu'à la liberté de choix du patient". Cet argument est l'un des principaux mis en avant dans le courrier qui sera expédié aux sénateurs la semaine prochaine.
"La vraie question aujourd’hui à se poser est : comment doit-on choisir son professionnel de santé ? Est-ce un choix qualitatif ou financier ? (...) Les réseaux de soins par leur numerus clausus et les obligations tarifaires exigées, tirent la santé sur le plan purement financier. Le patient n’a plus la liberté de choix de son professionnel qui lui même n’a plus la liberté de choix dans le traitement prescrit", peut-on lire dans cette lettre. Une lettre qui charge vigoureusement les mutuelles, comme en témoignent ces passages : "Qui sont les experts : les complémentaires ou les professionnels de santé ? Nous avons des diplômes, des contrôles réguliers, des serments, une véritable déontologie. Les mutuelles aux comptes obscurs ou les assurances ont un seul but : le profit". Et de rappeler ironiquement que "les comptes des mutuelles ne sont toujours pas publiés".
S'appuyant sur les dires d'un député, les signataires du courrier tiennent à indiquer aux sénateurs que "la proposition de loi Le Roux n’est là que pour dédouaner les mutuelles". Ils font ici allusion à la situation de la MGEN, plusieurs fois condamnée pour sa pratique des remboursements différenciés. "Depuis quand le 'délinquant' est-il protégé au lieu d’être sanctionné ?", demandent sur ce point les signataires. Dans ce courrier commun, Les Opticiens Lunetiers Unis disent sans détour leur crainte, celle de voir l'opticien devenir en quelque sorte un auxiliaire des mutuelles. Une situation qu'ils constatent du reste déjà : "On ne peut plus s’occuper de la bonne vue du client et beaucoup se contentent de fournir ce que la mutuelle impose malgré le mécontentement du patient. Des grilles tarifaires obligatoires et des remboursements différenciés ou bonus viennent biaiser les règles de la concurrence et le libre choix du demandeur. La mutuelle, qui n’est jamais en contact avec le patient, choisit pour lui, à la place de l’opticien ce qui sera le mieux. Mieux pour qui : le patient ou l’organisme qui rembourse ? La qualité est donc tirée vers le bas, les vrais professionnels de l’optique ne souhaitant pas travailler dans ces conditions envisagent soit de licencier du personnel pour prévenir la chute de fréquentation de leur point de vente, soit de fermer boutique", est-il expliqué aux sénateurs. Au téléphone, Yann Fournier nous confirme sur ce point que "de plus en plus d'opticiens se sentent pris à la gorge, asphyxiés par un tel système. Économiquement il est intenable mais surtout il nous pousse à brader la santé des clients/patients". "Brader la santé" : cette formule, on la retrouve justement en conclusion de ce courrier adressé aux sénateurs. Pour ses opposants, cette proposition de loi "cherche à brader la santé en ouvrant la porte des dérives aux réseaux".
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