Contrôle visuel et permis de conduire : la balle est dans le camp du gouvernement
À l’issue d’un vote au Parlement de Strasbourg, les eurodéputés ont recalé la mesure visant à instaurer une visite médicale obligatoire tous les quinze ans pour renouveler son permis de conduire. Le Parlement invite toutefois chaque État membre de l’UE à mettre en place, à son échelle et à discrétion, un contrôle médical régulier. Que fera le gouvernement français ?
270 voix pour, 323 contre : mercredi 28 février, le Parlement européen a rejeté une proposition visant à imposer à tous les détenteurs du permis de conduire un contrôle médical (de la vue, de l’ouïe et des réflexes en particulier), et ce tous les quinze ans. Bien que la mesure ne soit pas passée, à la grande déception de l’eurodéputée écologiste française Karima Delli qui la portait, ce dossier, récurrent depuis des années dans les coulisses du Parlement de Strasbourg, n’a pas pour autant trouvé son épilogue. Certes aucune mesure conditionnant le renouvellement du permis à une visite médicale n’a été entérinée, mais les parlementaires - ménageant ainsi la chèvre et le choux ? - ont introduit une nouvelle disposition invitant à la mise en place, dans ceux des pays de l’UE qui le veulent, d’un examen médical a minima (vision, audition, santé cardiovasculaire). Bref, pas de contraintes règlementaires à l’échelle de toute l’UE mais une incitation à pousser chaque État membre à se positionner sur ce sujet qui divise. Si certains pays ont déjà adopté un système de visite médicale obligatoire à intervalles réguliers, à commencer par nos voisins latins (Portugal, Espagne, Italie), ce n’est pas le cas de la France qui pourrait se contenter du strict minimum suggéré par les eurodéputés, c’est-à-dire l’auto-évaluation de l’aptitude à conduire par le détenteur du permis lui-même.
Pas assez sérieux cela, pour l’Association nationale pour l’amélioration de la vue (Asnav) : « En appeler à la seule responsabilité des conducteurs pour s'assurer d'avoir les capacités visuelles nécessaires pour maîtriser leur véhicule est manifestement insuffisant au regard des 42 % des porteurs de lunettes qui avouent ne pas les porter lorsqu'ils conduisent. » (Pour mémoire, selon une ancienne étude de l’Asnav, 12 % des accidents de la route sont pourtant dus à une déficience visuelle.) Le gouvernement français s’accommodera-t-il de cette simple auto-évaluation ou ira-t-il plus loin ? C’est évidemment le voeu de l’eurodéputée Karima Delli et de son fervent soutien Pauline Déroulède. Cette athlète paralympique a été, rappelons-le, fauchée en 2018 par une voiture dont le conducteur, un nonagénaire roulant trop vite, a perdu le contrôle. Depuis lors, elle milite activement pour une visite obligatoire afin de prendre le volant dans des conditions physiques optimales. « La majorité des eurodéputés français est favorable pour inviter la France à mettre en place les visites médicales », veut croire Pauline Déroulède, comme elle l’a dit lors d’une conférence de presse à l’issue du vote du Parlement, le 28 février. Et les Français, qu’en pensent-ils ? Selon un sondage Ifop pour Le Parisien, près de 60 % d’entre eux se déclarent favorables au principe d’une telle mesure. Ce ne sont sans doute pas les mêmes, au nombre de 113 000, qui ont signé la pétition "Touche pas à mon permis" initiée par 40 millions d’automobilistes, l’organisation de défense des conducteurs. Bref, la balle est dans le camp du gouvernement et on verra - bientôt ? - de quel côté il tourne son volant…
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