Basse vision, lumière et couleurs : mon expérience à Cuba
Dans ce nouveau billet, je souhaite partager avec vous une expérience riche, unique et étonnante qui m’a ouvert les yeux sur un monde insoupçonné de sons, de couleurs et de lumière.
Dans ce nouveau billet, je souhaite partager avec vous une expérience riche, unique et étonnante qui m’a ouvert les yeux sur un monde insoupçonné de sons, de couleurs et de lumière.
J’ai une forme de malvoyance liée à une atteinte des cônes et des bâtonnets. Ma vision des couleurs est fortement altérée, ce qui implique quelques adaptations dans la vie quotidienne. Cela ne me gène pas trop au quotidien. J’arrive assez bien à assembler les couleurs pour m’habiller, par exemple. Traverser une rue en fonction de la couleur des feux est plus compliqué. En plein soleil, difficile de distinguer quoi que ce soit, je traverse à l’oreille. En soirée par contre, je perçois le vert plus facilement mais ne vois pas le rouge sur fond noir. Je m’appuie alors sur d’autres informations pour traverser sans danger.
Etrangement, lors d’un récent voyage à Cuba, j’ai eu l’impression de bien mieux voir les couleurs. Etais-je plus détendue, parce qu’en voyage, sans contrainte d’horaire ? Etaient-ce la lumière et les couleurs chatoyantes qui m’environnaient ? Etaient-ce la curiosité et l’envie de ne rien perdre du paysage sonore et visuel qui m’entourait ?
Je recevais à la minute autant d’indications sonores que visuelles et je ne me sentais plus malvoyante. J’étais juste en voyage, un voyage musical où ma perception du monde changeait. Je percevais les chants, les danses dans la rue, une vieille voiture américaine à côté d’une calèche pour touristes, un vendeur de beignets avec sa carriole et son âne planté au milieu de la chaussée, une marchande qui presse la canne à sucre fraiche…
De jour comme de nuit, je devinais le monde alentour, même si je me faisais aider le soir pour ne pas trébucher sur les trottoirs défoncés de Santiago ou de la Havane. Dans cet univers éminemment sonore, mes oreilles étaient aux aguets et je complétais avec les yeux ce qui me manquait et vice-versa. Pour les couleurs, je me faisais ma propre idée et accordais plus d’importance à la sensation que j’avais qu’à la couleur exacte du vieux bâtiment délabré qu’on me montrait du doigt. Les couleurs, je les devinais, étaient de toute façon plus ou moins passées avec le temps, lavées par la mer à certains endroits. Celles des habits, en revanche, étaient très vives. Déstabilisée à certains moments au détour d’une rue avec le soleil en face, je ne cédais pas à la confusion et me recentrais sur les sons pour stabiliser ma vision interne. C’est ainsi que je fais la mise au point des diverses informations sensorielles que je reçois.
Une couleur était constante, le bleu du ciel. Un bleu vif la plupart du temps, à ma grande joie. J’avais quitté Paris sous la grisaille et le froid. Ce manque de lumière altérait sans aucun doute, mon potentiel visuel. A Cuba, je ressentais plus, je voyais mieux, et surtout je regagnais les couleurs. Sortir de mon quotidien, me confronter à l’inconnu m’a permis de mettre en place d’autres stratégies pour mieux voir. Tout mon être était déployé pour ressentir et comprendre le monde qui m’entourait. Je me focalisais plus sur mes possibilités que sur mes manques.