Net et dur à la fois
Le commerce en ligne de l’optique crée des crispations de plus en plus vives entre des pure players et les instances syndicales des opticiens. Les premiers reprochent aux seconds leur conservatisme délétère, les seconds accusant les premiers d’offensive anti-concurrentielle et de diffamation…
Ce débat de clochers —somme toute très banal dans une France en repli— semble négliger l’élément clé de la distribution aujourd’hui : une profonde mutation du mode d’achat avec le point de vue « multichannel » du consommateur. Des pans entiers de l’économie ont été bouleversés et des commerces ont disparu ou vont encore disparaître : la distribution de la musique, de l’édition, des produits bruns et blancs, etc. connait une révolution engagée par le e-commerce, des distributeurs comme Surcouf ou Virgin n’ont pas résisté faute de démontrer leur utilité, une valeur ajouté tangible qu’internet ne pouvait offrir. La bataille sur les seuls prix est un duel où il y a toujours un gagnant et un perdant : internet aura toujours le dessus n’ayant pas de parcs de magasins coûteux à gérer.
D’autres secteurs comme l’alimentaire ou la mode se remettent en cause et se réinventent. La grande distribution revoit sa copie en développant internet et le commerce en dur dans le même temps : des surfaces moins grandes, le retour du commerce de proximité, des espaces internet et des applications mobiles qui facilitent la vie de clients via la livraison à domicile ou le drive. La mode a envahi la toile avec des pure players très performants et hyper actifs, les enseignes et les marques textiles commencent à réagir en proposant une nouvelle expérience multisensorielle ET un nouveau plaisir d’achat dans les magasins : là encore le net et le dur cohabitent sans problème. Une marque de mode aujourd’hui ne peut pas ignorer le e-commerce et doit dans le même temps créer un environnement digital interactif dans ses boutiques qui doivent se métamorphoser en plateforme relationnelle avec les outils existants : tablettes, QR code, étiquettes intelligentes, guest-books digital à partager sur Facebook, Twitter, vitrines interactives, etc.
Le secteur de l’optique est loin, très loin de cette révolution. Les enseignes ont ouvert des e-shops mais presque en catimini, par crainte de froisser leur réseau physique. Les magasins d’optique sont d’un ennui mortel avec les mêmes linéaires rigides et froids platement design ! Les opticiens ont été transformés en « vendeurs d’aspirateurs à clients » qui diffusent peu ou prou les mêmes marques ! Les pure players tentent alors d’occuper le terrain, mais à l’exception du solaire et de la contactologie, ils ne gagneront pas : vendre une paire de lunettes optiques exige encore la proximité d’un professionnel pour des raisons essentiellement techniques aujourd’hui, mais aussi de qualité relationnelle pour les (bons) opticiens.
Pour autant, à l’avenir, des opticiens trop nombreux vont disparaître faute d’avoir convaincu leurs clients de l‘intérêt à acheter chez eux. Aux enseignes d’optique de cesser de ménager la chèvre et le chou, de cesser de brader leurs lunettes en ne jouant pas la transparence sur les prix, d’engager une stratégie du « net et dur à la fois » en investissant dans leurs magasins (donc en en diminuant leur nombre) pour imaginer une plateforme relationnelle et interactive, c’est-à-dire en se mettant à la place de leurs clients (sic !) qui souhaitent vivre une expérience multisensorielle ET un plaisir d’achat.
Attention ! Il ne s’agit pas de singer la grande distribution ou les enseignes de textile, mais d’inventer le commerce en optique de demain en observant les bonnes pratiques et surtout, en anticipant les manœuvres d’un client multichannel dont la versatilité ira grandissante…
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