Alors que les audioprothésistes soutiennent actuellement une proposition de loi visant à instaurer un Ordre national pour leur profession, nous avons posé à Hugues Verdier-Davioud, le président de la FNOF, la question de savoir si ce serait pertinent pour l’optique…

Oui ou non, serait-il pertinent qu’un Ordre national des opticiens voie le jour ? La question n’est pas nouvelle, loin s’en faut ; elle revient régulièrement dans les débats entre professionnels depuis une quinzaine d’années, si ce n’est davantage. Qu’en pense Hugues Verdier-Davioud, le président de la Fédération nationale des opticiens de France (FNOF) ? Si nous lui avons posé la question, c’est parce qu’il a une expertise et une expérience sur le sujet du fait d’être par ailleurs inscrit à l’Ordre national des Architectes, l’architecture étant sa seconde activité à côté de l’optique. « Il faut bien comprendre que c’est un sujet très complexe dont beaucoup ne mesurent pas les implications non seulement éthiques mais aussi technico-pratiques. Sans entrer dans les détails, il n’est donc pas inutile d’avoir en tête quelques points », pose-t-il d’entrée de jeu. « Il faut d’abord savoir qu’un Ordre national a un rôle de caution moral. Il est médiateur, conciliateur et garant du fait que les pratiques d’un métier sont vertueuses mais il ne peut en aucun cas être un interlocuteur des pouvoirs publics, si ce n’est à titre consultatif », souligne en premier lieu le leader syndicaliste.

En clair, ceux qui verraient dans un Ordre une sorte de super-syndicat se mettent le doigt dans l’oeil, pourrait-on dire trivialement. Et Hugues Verdier-Davioud d’insister, bien conscient du préjugé spontanément favorable qui accompagne cette idée : « Il ne faudrait surtout pas croire que la création d’un Ordre des opticiens règlerait comme par miracle tous nos problèmes, et d’abord celui de la fraude ou celui des relations tendues avec les Ocam. Si un Ordre est censé être garant de la déontologie d’une profession, son pouvoir de sanction est bien plus limité qu’on ne le croit. L’expérience ici et là, notamment chez les médecins, montre que les radiations, en cas de dérives dans le cadre de l’exercice professionnel, se font très rares. Alors à quoi bon ? » Réfléchissant tout haut, le président de la Fédé s’interroge : « On peut même se demander si cela ne créerait pas plutôt du désordre sur un marché qui n’a pas vraiment besoin de ça. Pas sûr, non, que ce soit la meilleure manière de structurer la profession à l’avenir. Il me semble que nous pourrions être assez matures pour nous auto-réguler autrement, à travers des règles d’exercice, qui existent déjà, et bientôt des règles professionnelles sur lesquelles la Fédération travaille d’arrache-pied pour la filière ».

Et Hugues Verdier-Davioud, à ce moment de notre échange, d’adresser à une partie de la profession un tacle glissé dont il a secret : « Il faut comprendre que ces règles impliquent de facto le respect du secret médical et donc la dénonciation de toutes les conventions réseaux qui reposent sur la divulgation des données de santé. Vous comprendrez qu’économiquement, tout un pan de la profession ne veut surtout pas de cela, alors que c’est pourtant indispensable pour notre crédibilité. Si on veut lutter contre la fraude, je rappelle que la filière pourrait utiliser une solution fonctionnelle, validée par la CNIL et connue favorablement des financeurs, mais que la filière elle-même refuse d’utiliser... Sans commentaire. Tous les dossiers se recoupent ». Le porte-voix de la Fédé fait évidemment référence, ici, à la situation de stand-by qui concerne la solution opérationnelle de blockchain que son syndicat a co-construite avec Olaquin et GoodsID.

Et puis il y a la question financière, ajoute par ailleurs Hugues Verdier-Davioud : « Adhérer à un Ordre, être à jour de cotisation, cela représente un coût loin d’être négligeable. Il faut aussi penser à cet aspect des choses. Au-delà d’une double cotisation annuelle (société et personne morale), il faut compter qu’il faudrait aussi que chacun souscrive une assurance professionnelle, ce qui constitue également une dépense supplémentaire On parle donc de plusieurs milliers d’euros par an, à un moment où le marché se tend durement. » Tout ceci ayant été dit et au moment de conclure, le président de la FNOF, quoiqu’ouvert à la discussion sur le sujet, semble un peu douter de la pertinence d’un Ordre dans le cas de l’optique : « Certains aimeraient probablement en faire une sorte d’alpha et d’oméga de la profession, sans toujours évaluer la complexité de ce cadre ». Dit autrement, l’idée d’un Ordre national des opticiens n’est peut-être pas la pièce manquante du puzzle de l’optique. Une fausse bonne idée par excellence ?

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