Les optométristes voient d’un mauvais oeil la primo-prescription des lentilles par les orthoptistes
L'Association des optométristes de France (AOF) se dit inquiète suite à la publication, mi-juillet, du décret autorisant les orthoptistes à prescrire des lentilles de contact. « Cette décision constitue une grave menace pour la santé oculaire des patients », estime le syndicat. Les orthoptistes, eux, dénoncent « un discours hors-sol ».
Pendant la pause estivale de notre rédaction, l’Association des optométristes de France (AOF) a vivement réagi à la parution, mi-juillet, du décret fixant les modalités de la primo-prescription de lentilles par les orthoptistes. « Ce décret souligne l'absence d’expertise du ministère de la Santé sur le sujet de la contactologie ainsi que de ses interlocuteurs ayant amené à sa publication », tacle d’emblée Thibaud Thaëron, le président de l’AOF, en ouverture d’un communiqué en date du 22 juillet. Le principal grief du syndicat concerne « l’insuffisance de la formation des orthoptistes en contactologie », selon lui : « Les orthoptistes diplômés avant 2017 ne recevront que 14 heures de formation dans ce domaine complexe. Cette formation limitée ne leur permet pas d'acquérir les compétences nécessaires pour garantir un appareillage en lentilles de contact sûr et efficace pour leurs patients. » À titre de comparaison, rappelle Thibaud Thaëron, les opticiens qui suivent des formations niveau licence reçoivent plus de 230 heures dédiées à l’étude de la contactologie. Quant aux optométristes de niveau master, c’est encore plus : ils bénéficient, eux, de quelque 360 heures de formation dans ce domaine.
L’autre motif d’inquiétude formulé par l’AOF porte sur l'utilisation de la lampe à fente : « Le décret n’exige aucune heure de formation sur cet outil indispensable à tout contactologue pour l'adaptation des lentilles. L'absence de cette étape fondamentale expose les patients à des risques accrus de complications graves. Le port de lentilles de contact, lorsqu'il n'est pas suivi adéquatement, peut avoir des conséquences désastreuses pour la santé oculaire, allant jusqu'à la cécité », fait valoir, alarmiste, l’organisation professionnelle. Et l’AOF, décidément pas tendre avec ses homologues, de « s’étonner de la complaisance du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) face à ce décret ». Thibaud Thaëron, toujours offensif : « Il est en effet incompréhensible que le SNOF, qui s'était pourtant fermement opposé à la modification de la primo-prescription par les opticiens, une mesure dont les risques potentiels sont négligeables, ne réagisse pas à cette décision qui fragilise davantage la santé oculaire des patients. » Dans ce contexte et à l’avenir, le président de l’AOF réclame la reconnaissance du « rôle crucial joué par les opticiens et optométristes dans la prise en charge des patients, en particulier en ce qui concerne l'adaptation et le suivi des lentilles de contact ». Thibaud Thaëron va même plus loin et « exige du prochain gouvernement une révision immédiate de ce décret ainsi qu'un élargissement des prérogatives des opticiens et optométristes en contactologie, en s’appuyant sur les délégations de tâches déjà présentes sur le terrain ». Après la longue attente d'un nouveau gouvernement, pas sûr toutefois que le ou la prochaine ministre de la Santé en fasse une priorité…
Contacté par notre rédaction hier 13 août pour recueillir un commentaire, le Dr Vincent Dedes, représentant des ophtalmos, n’a pas souhaité réagir à cette prise de position vigoureuse de l’AOF. À la tête du SNAO, le principal syndicat des orthoptistes, Mélanie Ordines, elle, s’est posée en faux, « se désolant de ce discours hors-sol ». « Les optométristes ne sont pas reconnus en France et pourtant ils exhortent les instances pour la santé des patients », nous a-t-elle déclaré depuis son lieu de vacances. Et de réaffirmer la pleine et entière légitimité de sa profession sur le créneau de la contacto : « Les orthoptistes sont présent dans plus de 70 % des cabinets d’ophtalmologie et on est la première profession à développer les protocoles depuis plus de six ans. S’il y avait un danger pour la santé des patients, les ophtalmologistes et les autorités auraient cessé depuis longtemps l’évolution dans ce sens », réplique-t-elle à l’AOF. Avant de poursuivre : « Et pour la formation c’est une remise à niveau, car la formation initiale contient déjà la contactologie, l’optique, les pathologies… en université de médecine et donc en stage avec des patients, tient-elle à rappeler. Ce qui montre malheureusement une méconnaissance de l’AOF sur les contours des métiers, ce qui est bien dommage. »
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