Lunettes pour Tous voit grand et milite désormais activement pour le déploiement d'un 100 % Santé européen. Avec un atout-maître dans son jeu : un renfort de poids en la personne de l’ex-ministre de la Santé, Olivier Véran, qui vient d'intégrer son conseil d'administration… Rencontres. 

« Tu as vu, c’est Paul Morlet... ». Dans les allées du Silmo le 20 septembre, le fondateur de Lunettes pour Tous ne passe pas inaperçu. Cette année, le patron à l’allure toujours aussi juvénile laisse d’autant moins indifférent qu’il est venu accompagné d’un certain… Olivier Véran, ex-ministre de la Santé entre 2020 et 2022. Et pour cause : ce dernier a fait officiellement son entrée au sein du conseil d’administration de la société fondée en 2014. Son arrivée a fait grincer des dents dans le milieu de l’optique car il est l’inspirateur et l'artisan de la réforme du 100 % Santé que le secteur s’est vu imposé en 2020. Nous avons pu échanger avec les intéressés sur les ambitions de l’entreprise en France mais aussi, désormais, en Europe. Car Lunettes pour Tous rêve maintenant de voir se répandre le modèle du zéro reste-à-charge chez nos voisins. La société a d’ailleurs déjà commencé à s’implanter en dehors de l’Hexagone avec trois boutiques en Belgique (deux à Bruxelles, une à Liège, en attendant une quatrième, bientôt, à Charleroi).

L’idée de Paul Morlet, « c’est d’exporter le modèle du reste-à-charge zéro à l’échelle européenne ». Dans cette perspective, l’entrée récente - une prise de participation minoritaire - au capital de Lunettes pour Tous du fonds d’investissement Quilvest va apporter à la société une assise financière supplémentaire. Quant à l’arrivée médiatisée d’Olivier Véran* au sein du comité de surveillance de Lunettes pour Tous, elle annonce une fonction de conseil stratégique dans ce développement, l’ancien ministre étant appelé, fort de son expérience politique, à jouer un rôle d’ambassadeur et de promoteur de ce concept du 100 % Santé en Europe. « Nous allons explorer les opportunités qui permettront une généralisation d’un modèle de santé visuelle accessible au plus grand nombre », fait valoir l’ancien ministre, toujours autant convaincu de la pertinence de ce modèle : « Si le 100 % Santé a fait ses preuves chez nous, c’est qu’il peut fonctionner ailleurs », dit-il encore. Paul Morlet, de son côté, l'assure : « Les pays voisins sont demandeurs et particulièrement réceptifs à cette approche. Nous pouvons unifier l’Europe autour de cette question de l’accès aux soins. »

Et le développement de l’enseigne en France ? Il se poursuit, visiblement bien aidé par l’inflation. « Les ménages ont fait des arbitrages en notre faveur, constate Paul Morlet. Même des CSP + qui, avant, achetaient chez des opticiens traditionnels font le choix de venir s’équiper chez nous. Si la rapidité de livraison des équipements séduit les clients, c’est surtout la réelle accessibilité de nos prix qui est l'argument le plus convaincant ». Et cela se traduit par un chiffre d’affaires en forte progression. De 38 millions d’euros en 2023, le CA pourrait s’élever à 52 millions d’ici la fin de l’année, voire davantage encore, selon nos informations. Un consultant qui se veut très bien informé des mouvements du marché nous dira plus tard, après cet échange croisé avec Paul Morlet et Olivier Véran, que ce sont surtout aux enseignes, plus qu’aux indépendants, que Lunettes pour Tous fait de l’ombre dans le contexte inflationniste. « En tout cas sur le segment de l'optique. Pour ce qui est du solaire, le réseau qui marche très fort en ce moment et prend des parts de marché à tous les opticiens, c’est d’abord Jimmy Fairly », relève ce consultant... Pour en revenir à l’enseigne Lunettes pour Tous, qui a constitué une base-clients de 1,2 million de personnes en dix ans, elle compte désormais 23 magasins. Il y en aura 25 à la fin de l’année avec des ouvertures à Strasbourg et, comme on l’a dit plus haut, Charleroi. En 2025, selon le staff marketing de Lunettes pour tous, il pourrait y avoir une ouverture de point de vente par mois. « La perspective d’une cinquantaine de magasins semble raisonnable », évalue Paul Morlet, toujours en quête de bons emplacements en coeur de ville et d’un quadrillage national toujours plus optimisé.  

* Au vu de ses fonctions passées, l’ex-ministre a d’abord soumis à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique son intention de rejoindre Lunettes pour tous. L’autorité administrative en question n’a rien trouvé à redire à ce projet, comme on peut le constater dans sa délibération datée du 3 septembre et consultable en ligne.  

L'info en +

Olivier Véran : "Les neurotechnologies, c'est le grand défi de l'optique dans les années à venir"

Nous avons également questionné Olivier Véran sur sa perception globale des évolutions et des enjeux du secteur de l’optique-lunetterie :

« C’est un secteur en évolution constante, il y a beaucoup d’innovations, comme on peut le voir ici au Silmo [interview réalisée le 20 septembre] : aussi bien dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) que dans celui de la télé-expertise ou celui du choix des matériaux toujours plus éco-responsables. L’impact de l’impression 3D est aussi à suivre de très près. Je crois que la grande transformation en cours et des prochaines années, c’est celle de l’IA, qui va toujours plus loin et plus vite. Et dans les cinq à dix ans, c’est la révolution des neurotechnologies qui va avoir un impact sur la filière. À ce stade, c’est très dur de déterminer quel sera cet impact, mais on voit déjà les progrès rapides des neurotechs en général. Est-ce que les lunettes vont être dotées de nouvelles fonctionnalités en rapport avec ces neurotechs ? Ou est-ce que ce sera des recherches directement en relation avec la rétine à travers des systèmes d’implants ? Je ne suis pas futurologue, mais je vois à quelle vitesse progresse ce pan de la recherche technologique et je me dis que c’est ça, dans les années à venir, le très grand défi que le secteur de l’optique doit relever. »

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