Les taux de remboursement de la Sécu ? "Une fiction !"
Dans un entretien accordé au Monde, Étienne Caniard, le président de la Mutualité française, s'inquiète de "la dégradation silencieuse et insidieuse du système" de santé.
Pour Étienne Caniard, interrogé vendredi dernier par Le Monde, "les taux de remboursement de l’assurance-maladie sont devenus une fiction". Il explique pourquoi selon lui : "Officiellement, il n’y a pas de baisse, mais vu la hausse des prix des professionnels, il y a une réduction du taux réel de prise en charge". Questionné sur la question de l'accès aux soins, le président de la Mutualité se déclare "très inquiet" : "Tous les signaux montrent que nous allons dans le sens d’une augmentation des difficultés d’accès aux soins. Tout le monde a oublié ce qui s’est passé avec l’optique. Dans l’indifférence générale, les remboursements de l’assurance-maladie dans ce secteur se sont déconnectés peu à peu des tarifs pratiqués : ils ne s’élèvent plus aujourd’hui qu’à 4 % des dépenses des patients. Nous n’en sommes pas encore là avec les dépassements d’honoraires des médecins, mais si rien n’est fait, leur banalisation et leur multiplication conduiront aux mêmes résultats".
Le constat qu'il fait "d'une dégradation silencieuse et insidieuse du système" de santé le pousse à dire que "les dépassements d’honoraires servent, notamment à l’hôpital public, de coupe-file. Pour être pris en charge plus vite, il faut payer plus cher. Il est pourtant inacceptable, d’un point de vue éthique comme de santé publique, que pour des raisons de revenus, un grand patron et son ouvrier n’aient pas accès au même médecin". Et d'ajouter : "Si chacun a encore accès aux soins en France, on ne peut déjà plus se soigner de la même façon. Les problèmes sont avant tout d’ordre financier, mais ils se doublent de difficultés dues à la raréfaction de professionnels dans certaines spécialités ou régions, auxquelles il faut ajouter des inégalités culturelles pour choisir le bon professionnel ou le bon circuit". Au quotidien du soir, il confie également un changement d'attitude des assurés vis-à-vis de leurs mutuelles : "Les Français doivent faire face à de telles contraintes que beaucoup choisissent des couvertures aux garanties moindres. Des contrats qui n’existaient plus ces dernières années réapparaissent, comme ceux qui ne couvrent que les dépenses hospitalières et non les soins courants".