Rencontre avec la DG d’Essilor France : « L’opticien est au coeur de notre modèle de croissance »
En début de semaine nous avons longuement échangé avec Prûne Marre, à la tête d’Essilor France depuis février. L’occasion d’évoquer sa feuille de route et ses points de vue sur la situation du marché.
Un petit-déjeuner en petit comité. Mardi matin, Prûne Marre (photo) et son équipe rapprochée de marketing et de communication ont reçu à Paris quelques journalistes de la presse pro pour une conversation à bâtons rompus. Notre rédaction était évidemment présente pour participer à cet échange avec celle qui dirige Essilor France depuis quelques mois maintenant. En poste depuis février dernier, la très pondérée patronne du verrier a d’abord passé en revue les grandes orientations de sa feuille de route. Le renforcement des partenariats avec les opticiens y figure en priorité. « Dans un marché qui se polarise - encadré d’un côté avec le 100 % Santé, ventes libres de l’autre -, nous cherchons à préserver les marges et la profitabilité de nos partenaires », explique-t-elle, mettant en avant les points forts des programmes Essilor Experts (3 300 partenaires à date) et EssilorLuxottica 360 (un objectif de 1 000 partenaires d’ici la fin de l’année) ou encore du Parcours Santé Visuelle maison. Ce dernier, par exemple, quelque 400 opticiens l’ont d’ores et déjà déployé, avec de très concluants résultats semble-t-il. En témoignent les chiffres fournis par la dirigeante : en volume, les opticiens qui l’ont mis en place enregistrent une hausse de 14 points des ventes Varilux et une progression de 20 points des ventes Transitions, comparativement à ceux qui n’appliquent pas ce concept global de prise en charge du client. Sur le marché encadré, la directrice générale d’Essilor veut permettre aux opticiens d’augmenter leur productivité, source de sécurisation des marges. « Réduire le temps passé dans le back office c’est capital », déclare-t-elle, évoquant dans ce contexte l’importance des formations proposées par Essilor (via Essilor Academy ou Essilor Campus), l’évolution de la plateforme Essilor Pro ou encore la mise à disposition d’une bibliothèque de formes pour gagner du temps lors de certaines prises de commandes.
« Plus que jamais il s’agit pour nous de donner des outils et des moyens aux opticiens pour qu’ils soient plus efficaces et plus rentables au quotidien. C’est l’amélioration de la productivité en points de vente qui permettra, en partie, d’absorber les coûts d’exploitation qui vont grandissant dans le contexte actuel », fait valoir Prûne Marre en allusion, au-delà du seul cas de l’opticien, à la situation inflationniste qui pressure de tous côtés l’univers économique. À ce propos, d’ailleurs, une hausse tarifaire est-elle à prévoir pour compenser l’envolée généralisée des coûts (transports, matières premières, énergies) qui pèsent sur le fabricant ? Pas de réponse précise chiffrée pour le moment de la part de la patronne d’Essilor : « Rien n’est arrêté pour l’heure mais ce qui est sûr, c’est qu’il faudra bien, à un moment ou à un autre, que la filière répercute cette inflation continue inédite ». Questionnée par ailleurs sur le niveau d’activité du marché ce premier semestre, Prûne Marre fait état d’une croissance plus imprévisible que par le passé, avant le covid. Entre ralentissements et effets de rattrapage, les fortes variations d’un mois sur l’autre s’expliquent sans doute en grande partie par les arbitrages quotidiens que les consommateurs sont en train de faire, leur budget étant de plus en plus serré et soumis à des dépenses contraintes à cause de la conjoncture sous tension. Cela peut-il desservir les achats optiques à venir ? Seront-ils forcément revus à la baisse voire reportés ? Prûne Marre se veut confiante, convaincue que le poste santé du budget des ménages sera globalement préservé. Elle table sur un second semestre plus dynamique que le premier, se gardant bien toutefois d’avancer un chiffre pour l’atterrissage fin 2022 : « Les comportements des consommateurs, depuis la crise sanitaire et surtout dans le climat actuel, sont plus erratiques qu’auparavant, se justifie-t-elle à raison. Tous les acteurs économiques doivent composer, désormais, avec ce manque de visibilité. »
Cette rencontre avec la directrice générale d’Essilor France était aussi l’occasion de l’interroger sur la poursuite de la convergence avec Luxottica. Là encore, le propos se veut constructif : « Notre positionnement est intangible dans le temps. Nous avons vocation à faire des propositions de valeur pour toujours tirer vers le haut l’activité de l’opticien. Nos marques et nos environnements produits, comme nos outils métier et nos technologies, visent à augmenter le panier moyen de l’opticien et à dynamiser le trafic en magasins », insiste posément Prûne Marre. Avec Geoffroy Monzini, son homologue à la tête de Luxottica France, elle défend l’innovation permanente en termes d’expérience-client et de création de valeur conjointe entre des marques fortes qui sont perçues par le public comme des valeurs refuges. Elle n’esquive pas non plus l’inévitable question de l’intégration de GrandVision à travers ses deux réseaux retail, GrandOptical et Générale d’Optique. Interrogée sur la double casquette d'EssilorLuxottica - fournisseur et distributeur - qu’entraîne désormais cette acquisition, la directrice générale d’Essilor en revient aux principes fondamentaux du verrier : « L’opticien est et restera notre priorité, il sera toujours au coeur du modèle de croissance d’Essilor. Depuis le début, la philosophie d’Essilor repose sur le développement de ses partenaires. Nous grandissons parce que nos clients, les opticiens, grandissent ; c’est comme ça que cela marche depuis toujours. On croît ensemble, main dans la main, pas séparément. Toutes les synergies impulsées actuellement au niveau groupe profiteront donc à l’ensemble des opticiens, on sera toujours dans le gagnant-gagnant ». C’est sa réponse à ceux - les concurrents - qui jouent crânement leur partition en critiquant le nouveau statut d’EssilorLuxottica. Surtout, c’est sa réponse à ceux - côté opticiens - qui craindraient un changement concurrentiel au profit des enseignes GrandOptical ou Générale d’Optique. « Que tous les opticiens se rassurent, nous serons toujours à leurs côtés avec des produits et des services de qualité », conclut Prûne Marre en insistant à dessein sur le mot « tous ». Ce sera le mot de la fin de cette conversation matinale avec la DG d’Essilor France.
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