Renaissance de l'usine Courrèges à Pau
Deux ans après le rachat de la maison Courrèges, ses deux nouveaux patrons français parient sur le "made in France" pour relancer la marque fondée en 1961, avec comme symbole la "renaissance" de son usine emblématique de Pau. C'est là que sont notamment produites les lunettes.
Des murs "blanc Courrèges" baignés de lumière naturelle pour sublimer les tissus aux tons acidulés et les lignes géométriques des vêtements: après six mois de travaux, l'usine paloise construite en 1972 sur les plans futuristes du fondateur de la marque, André Courrèges, originaire de la région, a retrouvé sa splendeur épurée. "Lorsque nous avons racheté l'entreprise, quatorze personnes travaillaient dans une centaine de mètres carrés, le reste du bâtiment était soumis aux vicissitudes du temps et de la météo", racontent Jacques Bungert et Frédéric Torloting, ex-patrons de la société de publicité Young & Rubicam France, qui ont pris le contrôle de la maison en 2011, doublant alors plusieurs grands groupes de luxe. Fermée dans les années 1980, puis rouverte partiellement avec quelques employées en 1998 par Coqueline Courrèges, qui avait succédé à son mari, malade, aux commandes de la griffe en 1994, l'usine de Pau reflète les heurs et malheurs de la maison qui fut un des symboles de la révolution vestimentaire des années 1960.
Au faîte de son succès, trois-cents ouvrières y produisent 4.000 pièces par semaine en 1975. La marque se fait ensuite plus discrète, avant d'entrer en léthargie dans les années 80-90, changeant plusieurs fois de mains, reprise notamment en partie par des Japonais, avant que le couple fondateur n'en redevienne propriétaire. Jusqu'au rachat de la marque en 2011 par le tandem de publicitaires lorrains qui décident après quelque hésitation, de rénover l'usine de Pau pour "préserver et valoriser le savoir-faire Courrèges", en particulier ses petites mains "exceptionnelles" dont certaines ont plusieurs décennies d'expérience.
Dans sa blouse blanche, Jessica Derand, 25 ans, titulaire d'un bac des métiers de la mode, se dit "fière d'être entrée chez Courrèges". "Il y a une vraie transmission", raconte la jeune femme, embauchée en "contrat de génération" comme trois autres recrues récentes. Elle est formée à son poste de presseuse-repasseuse par Hélène, 44 ans d'ancienneté. "Le travail chez Courrèges est très particulier", souligne Hélène, qui prendra sa retraite début 2014. "Il y a beaucoup de morceaux de tissu, beaucoup de surpiqûres, beaucoup de travail de biais. Il faut transmettre notre technique, car c'est un travail difficile, au millimètre près", explique-t-elle.
"On est une toute petite PME pour une grande marque", résume Jacques Bungert, qui assume de ne pas être du sérail de la mode, mais répète sa fierté d'avoir reçu en héritage "un patrimoine exceptionnel, construit pendant 50 ans" et qu'André Courrèges, aujourd'hui âgé de 90 ans, et son épouse "ont su préserver".
Une vingtaine d'employés, sur les 70 que compte l'entreprise qui possède toujours sa boutique historique à deux pas des Champs-Elysées, rue François Ier, à Paris (VIIIe), travaillent désormais à Pau à la fabrication des prototypes, des séries spéciales et au contrôle qualité. Treize sous-traitants, tous français, et un fabricant italien de maille fournissent le reste. Au total, 10.000 pièces sont produites chaque année par la maison de couture, vendues dans 135 boutiques dans le monde.
Pour les deux patrons quadragénaires, le site de Pau et ses 3.000 m² flambant neufs encore sous-utilisés doivent servir à terme de "plate-forme pour le renouveau de Courrèges". "On veut fabriquer en France", martèle Jacques Bungert, pour les vêtements, mais aussi pour les parfums ou les lunettes. Avec un enjeu de taille, "former" et "fidéliser" les sous-traitants.
Relancer une collection homme dès 2014, poursuivre le redéploiement des parfums de la marque initié dès l'année dernière, consolider l'exportation sur le marché nord-américain, se développer en Asie au-delà du Japon, où la marque est déjà bien présente: le chantier est vaste, mais l'ambition est là. Venu à l'inauguration du site en octobre, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a salué, enthousiaste, une "renaissance" exemplaire, celle "d'un nom magique de l'histoire de France" qui habilla "Claude Pompidou, Romy Schneider ou Edith Cresson".
(Avec AFP)