Plaintes des opticiens contre les Ocam : la décision de la CNIL constitue-t-elle un tournant ?
Après de longues années d’instruction, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a rendu ses conclusions à propos des centaines de plaintes déposées par les opticiens au sujet de la très problématique transmission de certaines données de santé exigées par les Ocam. S’agit-il d’un tournant dans les relations conflictuelles entre opticiens et Ocam ?
L’instruction aura été longue, et pour cause : depuis 2020 et la réforme de la nomenclature ayant donné naissance aux codes regroupés, quelque 600 plaintes ont été déposées par des opticiens auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Ces procédures ont été déclenchées parce que ces opticiens estimaient « faire face à des demandes jugées abusives de la part des Ocam au regard de l'application stricte des garanties et contrats », selon la Fédération nationale des opticiens de France (FNOF) qui commente la décision rendue par la CNIL ces derniers jours. Car l’autorité administrative a répondu aux opticiens qui l’ont saisie : « Votre plainte a soulevé des questions juridiques complexes d’articulation entre textes européens et nationaux. Les services de la CNIL ont travaillé à ces questions et échangé avec les différents acteurs du secteur et sont intervenus à l’appui de votre plainte auprès de l’organisme mis en cause en rappelant la réglementation relative à la protection des données », peut-on lire dans un courrier adressé ces jours-ci aux plaignants.
Et voici, in extenso, la teneur de ses conclusions : « La CNIL estime que pour la liquidation des demandes de remboursement de prestations relevant du panier 100 % Santé et des garanties complémentaires de contrats responsables prévues au troisième alinéa du 3° [c’est-à-dire la prise en charge des équipements relevant du marché B dans le cadre d’un contrat responsable] de l’article R. 871-2 du CSS :
- la collecte des codes de regroupement est suffisante s’agissant des demandes non anticipées, c’est-à-dire espacées de plus de deux ans ;
- la collecte des codes affinés, des prescriptions et des informations qu’ils contiennent est toujours contraire au principe de minimisation s’agissant des demandes de remboursement anticipées, c’est-à-dire espacées de moins de deux ans ;
- l’Ocam est fondé à demander un justificatif attestant de la date du dernier remboursement ;
- l’Ocam est fondé à demander un justificatif attestant qu’une demande anticipée de remboursement est conforme aux cas d’évolution de la vue prévue par l’arrêté du 3 décembre 2018, sous réserve que ce justificatif soit conforme au principe de minimisation des données. »
La "Fédé", qui porte le combat des données de santé depuis des années - déjà au temps où Alain Gerbel présidait le syndicat -, a accueilli avec une évidente satisfaction les conclusions de la CNIL. « Elles confirment le bien-fondé de la démarche de la FNOF au regard des risques qu'encourt l'opticien à transmettre les données de santé, mais aussi le bien-fondé d'être également force de proposition envers les Ocam pour le jour où la CNIL devrait statuer. C'est toujours le cas », commente Hugues Verdier-Davioud, à la tête de l’organisation professionnelle. « Les démarches de la Fédération ont toujours eu pour seul but de protéger l'exercice de l'opticien au regard du RGPD, compte tenu des amendes importantes qui pouvaient pénaliser son exercice et par extension, son rôle de professionnel de santé dans l'accès aux soins », explique-t-il encore.
Maintenant que les nombreux dossiers de plaintes ont été traités, que peut-il se passer ? Cet arbitrage de la CNIL constitue-t-il un tournant dans les relations jusque-là sous tension entre opticiens et Ocam ? « Ces derniers [vont devoir] adapter leurs process de prise en charge », estime Hugues Verdier-Davioud. Si les plateformes de santé et, par ricochet, les assureurs se sont vus notifiés les éléments de ces conclusions, c’est bien toute la filière qui, selon la FNOF, doit « se mettre en ordre de bataille pour une parfaite mise en conformité des pratiques et des usages ». Et c’est là que se pose à nouveau, et avec plus d’acuité, la question de la pertinence de la blockchain. Hugues Verdier-Davioud : « Si la CNIL dénie aux Ocam la possibilité d'accéder aux données de santé, cela rend vitale la mise en place de la solution de conformité et de traçabilité de la Fédération pour l'ensemble de la filière. Ce sera le seul outil fiable, commun, rapide, capable de rassembler sereinement tous les acteurs de la filière optique autour de la lutte contre la fraude », fait valoir le syndicaliste. La solution de blockchain mise à disposition par la FNOF, la seule qui existe à ce jour rappelons-le, sera-t-elle ainsi le juge de paix des échanges entre toutes les parties prenantes de la filière visuelle ? La réponse - peut-être - au prochain épisode.
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