La CNAM-TS a confié au CRÉDOC une enquête auprès des bénéficiaires de la CMU afin de caractériser et hiérarchiser les circonstances et les motifs des restes à charge et d’envisager des évolutions du dispositif qui soient de nature à diminuer leur montant.

Environ un bénéficiaire de la CMU-C sur dix (12 %) réalise une dépense d’optique chaque année. Pour la majorité de ces bénéficiaires, le dispositif CMU-C joue bien son rôle puisque dans près de deux cas sur trois (62 %), ils sont entièrement remboursés. Cela étant, les 38 % restant sont confrontés à des restes à charge élevés : 165 € en moyenne par dépense d’optique. Or les bénéficiaires interrogés par le CRÉDOC, qui ont tous été confrontés à un reste à charge, jugent leur situation financière difficile, voire très difficile pour une grande majorité d’entre eux (69 %). Pour y faire face, 6 sur 10 se débrouillent seuls. Cependant, pour une personne sur quatre, la dépense a nécessité une aide de l’entourage (16 %) ou a été reportée, le temps d’économiser la somme nécessaire (12 %). Ces constats montrent que les restes à charge peuvent être facteurs de difficultés pour les bénéficiaires qui y sont confrontés, voire pourraient conduire certains d’entre eux à renoncer à certains soins. Ainsi, selon l’enquête annuelle du CRÉDOC « Conditions de vie et Aspirations des Français », 18 % des ménages disposant de moins de 900 € par mois s’imposaient des restrictions de soins en 2010, contre 5 % de ceux disposant de plus de 3 100 € par mois.

Un peu plus de la moitié (54 %) des bénéficiaires interrogés ont le sentiment de ne pas avoir eu le choix concernant le reste à charge auquel ils ont eu à faire face, autrement dit de l’avoir « subi ». Les bénéficiaires déclarant avoir les plus grandes difficultés financières sont encore plus nombreux dans ce cas (61 %). La notion de reste à charge « subi » ou « choisi » est à mettre en perspective avec le comportement des bénéficiaires. En effet, 4 sur 10 estiment qu’ils auraient pu éviter le reste à charge s’ils avaient consulté d’autres opticiens. Ils pensent donc ne pas avoir eu accès à une offre adaptée à leurs besoins chez l’opticien qu’ils ont consulté. Ces bénéficiaires ont sans doute eux-mêmes limité leur éventail de choix, pensant que tous les opticiens n’acceptent pas les bénéficiaires de la CMU-C. De fait, 10 % d’entre eux disent avoir été confrontés, en tant que bénéficiaires, à des refus de vente de la part d’un opticien. Certains peuvent également croire que l’offre est identique chez l’ensemble des opticiens : « pour moi, les opticiens ont tous les mêmes montures CMU-C, les montures sont choisies par la caisse », estime l’un d’entre eux. Au total, la moitié des bénéficiaires n’a consulté qu’un seul opticien avant d’effectuer son achat (51 %). En revanche, les bénéficiaires qui ont consulté trois opticiens ou plus (16 %) sont significativement plus nombreux (57 % contre 41 %) à déclarer qu’ils n’auraient pas pu éviter leur reste à charge s’ils avaient consulté un autre opticien. Ces résultats montrent que les bénéficiaires qui ne font pas la démarche de consulter plusieurs opticiens ne semblent pas assez informés des possibilités qui s’offrent à eux.

L’offre de montures rentrant dans le panier CMU-C est variable selon les opticiens, mais reste généralement très limitée : plus de la moitié des bénéficiaires se sont vus présenter moins de cinq montures par leur opticien, voire aucune pour plus d’un bénéficiaire sur dix. Près de la moitié des bénéficiaires (42 %) ont alors fait le choix de sortir de l’offre proposée dans le cadre de la CMU-C, pour des raisons qui tiennent essentiellement à l’esthétique et à la solidité des montures : « il n’y a aucun choix, il n’y a même pas cinq paires pour les enfants, et elles sont bas de gamme, pas du tout solides. C’est pour ça que j’ai choisi une autre paire qu’une paire CMU » explique un bénéficiaire. Les opticiens eux-mêmes ont souvent admis que les montures proposées n’étaient pas de bonne qualité, voire « pas solides ». Les restes à charge sur les verres sont d’abord générés par des types de correction qui nécessitent des verres progressifs, souvent indispensables pour les individus âgés, fortement représentés au sein des bénéficiaires ayant eu des restes à charge en optique : les bénéficiaires interrogés dans le cadre de cette étude ont en moyenne 43 ans, alors que l’âge moyen des bénéficiaires de la CMU-C est de 27 ans. Ces restes à charge sont aussi le fait de traitements proposés pour prolonger la durée de vie des verres (anti-rayure, verres incassables), ce qui paraît particulièrement important pour des bénéficiaires qui déclarent par ailleurs majoritairement changer de lunettes tous les deux ou trois ans, voire moins souvent.

Alors que l’opticien est la principale, voire la seule source d’information du bénéficiaire sur le dispositif (l’offre du panier CMU-C, les niveaux de remboursements, les démarches administratives à accomplir…), il ne joue pas suffisamment son son rôle de conseil, explique le Crédoc, pour aider ces clients à réduire leurs restes à charge. Ainsi, dans près d’un cas sur deux, l’opticien n’a « pas spécialement » aidé le bénéficiaire. Dans près d’un cas sur dix, il l’aurait même poussé à la consommation, augmentant ainsi le sentiment des bénéficiaires d’avoir subi leur reste à charge. C'est ce qui explique que la proposition d’une liste d’opticiens « labellisés », disposant d’une offre CMU-C suffisante et de qualité, est favorablement accueillie par une majorité de bénéficiaires (56 %).