Longtemps en poste chez Essilor, initiateur en 2013 du Vision Impact Institut, Jean-Félix Biosse Duplan (photo) a œuvré ces quatre dernières années au sein de l’Asnav en tant que délégué général. Sur le départ, il tire le bilan de l’action collective en matière de prévention.

Fréquence Optic : À l’heure où vous quittez l’Asnav, quel bilan tirez-vous ?

Jean-Félix Biosse Duplan : Nous avons beaucoup fait ces dernières années, sur tous les fronts, mais beaucoup encore reste à faire. L’association a largement amplifié son travail de communication, aussi bien vers le grand public qu’au sein même de la filière, en fédérant toujours mieux les bonnes volontés. Bon gré mal gré, le dialogue avec les pouvoirs publics s’est aussi installé, sans engagements concrets, hélas, à ce stade, de ce côté-là. Nous avons pris le tournant de la digitalisation avec une présence accrue sur les réseaux sociaux, incontournable porte d’entrée de la sensibilisation des plus jeunes notamment. Et puis il y a le volet formation où nous sommes reconnus et proactifs pour valoriser les compétences des professionnels de santé. Au fil des années, donc, toutes nos actions se sont mieux structurées, avec plus d’efficacité à la clé, mais il faut être endurant : la prévention est un marathon !

L’Asnav, vous l’avez dit, travaille sur plusieurs fronts à la fois. Vos différents publics  sont-ils plus réceptifs désormais à la cause de la santé visuelle ?

Le grand public, dans l’ensemble, reste assez ignorant voire négligent en matière de santé visuelle. Mais les gens sont vraiment demandeurs d’informations. Il y a un intérêt réel chez eux du fait d’une attente grandissante pour entretenir un bien-être visuel au quotidien, à l’heure où les écrans sont partout. Du côté de la filière, on constate une indéniable montée en puissance ; ça bouge lentement mais sûrement. On peut toutefois regretter des batailles de territoires et de prérogatives entre les différents professionnels de santé ; je rêve toujours d’une grande convergence des talents sans arrière-pensées commerciales ou corporatistes ! Enfin il y a la question, et pas la moindre, des décideurs publics. Trop souvent encore c’est une approche strictement comptable qui domine. Mais mon expérience m’a appris que nos interlocuteurs politiques – députés, cabinets ministériels, etc. – découvrent avec surprise certaines données concernant les problématiques visuelles. Le Baromètre de la Santé Visuelle que nous menons régulièrement vient à ce titre nourrir la diffusion de la connaissance collective, alimenter le débat public, et il ne faut pas désespérer, un jour, de voir les pouvoirs publics prendre sérieusement ces questions à bras-le-corps.

Un chiffre qui, pour vous, symbolise l’importance du nécessaire engagement pour la santé visuelle ?

Sans hésiter, je dirais  le million des 16-24 ans qui n’a jamais consulté un ophtalmologiste. Le président de l’Asnav, Bertrand Roy, dit souvent que c’est un scandale en termes de santé publique, et il a totalement raison. Ce seul chiffre devrait avoir un effet mobilisateur ; il indique que toute une frange de la population a possiblement une mauvaise vue et ne le sait pas. Or c’est largement documenté, les conséquences négatives d’une vue non corrigée en termes économique, social et de qualité de vie, évidemment, sont très importantes. Les pouvoirs publics seraient vraiment bien inspirés d’ancrer le dépistage au cœur de l’école.

Les opticiens jouent-ils suffisamment leur rôle de « sensibilisateurs » ?

Disons que tous n’endossent pas pleinement ce rôle. Pourtant leur répartition sur tout le territoire fait d’eux de parfaits interlocuteurs. Les opticiens qui s’engagent le plus activement sont ceux qui cultivent un profil de professionnel de santé et pour lesquels la prévention est partie prenante de leur métier. On peut se réjouir que la médiatisation, édition après édition, des Journées de la Vision aie fait avancer la profession dans cette voie de la prévention sur le terrain, en magasin. Les Journées ne représentent plus seulement une parenthèse dans l’année, c’est une philosophie qui a bien infusé et infuse de plus en plus. La dimension prévention doit être intégrée par un maximum d’opticiens comme une  facette à part entière de leur activité.

 

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