Successeur, depuis juin, de Mathilde Lignot-Leloup à la tête de la Direction de la Sécurité sociale (DSS), Franck Von Lennep a répondu à nos questions. L’occasion de faire un point d’étape sur le déploiement du 100 % Santé.

Fréquence Optic : Que retenez-vous du récent* Comité de suivi du 100 % Santé présidé par le ministre de la Santé ?
 
Franck Von Lennep : Ce comité a permis au ministre de rappeler l’attachement du gouvernement à cette réforme majeure pour l’accès aux soins en optique, dentaire et audiologie et la nécessité de travailler à l’ensemble des facteurs de réussite de cette réforme : une communication claire de toutes les parties prenantes sur les équipements et prestations proposées sans reste à charge, la garantie d’un tiers-payant intégral pour ces équipements et prestations (pas d’avance de frais de l’assuré) ainsi qu’une évolution maîtrisée des primes et cotisations dues au titre des contrats de complémentaires santé.
 
Le rapport IGAS sur la filière visuelle vient d'être rendu public. À quand une traduction politique des recommandations de la mission ? Et quels sont les arbitrages prioritaires selon vous ?
 
Les orientations et les préconisations émises dans le rapport nécessitent un nouveau temps d’échange avec les acteurs de la filière. Des décisions pourront ensuite être prises pour améliorer la prise en charge des patients.
 
Sur le premier semestre, comment se répartissent les ventes de l’offre 100 % Santé entre les ventes dites « pures » et « les panachées » ?
 
D’après les données remontées par la CNAM (en date de remboursement de soins), sur le 1er trimestre 2020 : 17,7 % des équipements remboursés comprenaient au moins un équipement du panier 100 % santé (12,7 % d’équipements complets et 5 % d’équipements panachés verres/montures). Pour les équipements délivrés à des assurés bénéficiaires de la C2S, 91 % des équipements achetés sont intégralement 100 % Santé.
 
À partir de quel taux de pénétration sur le marché la réforme vous semblera-t-elle vraiment porter ses fruits ?
 
À terme, il nous semble que l’on ne pourrait pas considérer que la réforme fonctionne en-deçà d’un taux de pénétration d’environ 20 % d’équipements 100 % Santé vendus en optique. Il faut cependant se garder de tirer des conclusions hâtives des premiers résultats 2020. L’entrée en vigueur de la réforme ne date que de janvier 2020. Compte tenu de l’impact brutal de la crise sanitaire à compter de mars 2020 sur l’activité des opticiens, il est impossible de tirer des conclusions des résultats du seul 1er trimestre 2020, d’autant plus que celui-ci a été marqué par quelques difficultés techniques de facturation des équipements 100 % Santé.
 
En février 2019, les Ocam s’étaient engagées auprès d’Agnès Buzyn, alors ministre, à faire preuve de davantage de transparence sur la lisibilité des garanties des contrats. Ce chantier a-t-il concrètement avancé d’une façon ou d’une autre ?
 
Les engagements pris par les organismes complémentaires en matière de lisibilité dans le cadre d’un accord de place de février 2019 consistent à mettre en œuvre : la présentation d’une base commune d’exemples de remboursements exprimés en euros pour tous les organismes complémentaires ; la présentation d’un tableau des garanties avec des libellés harmonisés pour les grands postes de soins avec une notice d’information - hospitalisation, soins courants, optique, dentaire et aides auditives (la mise en œuvre de cet engagement est liée à l’entrée en vigueur du 100 % Santé, échéances 2020 et 2021) ; l’actualisation du glossaire, qui est un document d’information à destination de l’assuré et définit les termes utilisés par les organismes complémentaires dans les documents contractuels.
L’engagement mentionne également le développement de simulateurs de remboursements via le site internet de l’organisme assureur ou une application mobile, qui ne comporte toutefois pas d’échéance précise et a une portée non contraignante. À l’occasion de la réunion du comité de suivi 100 % Santé de décembre 2019 qui a abordé le sujet de la lisibilité, la ministre Agnès Buzyn a mis en évidence que l’accessibilité de l’information était perfectible tant pour la base commune d’exemples de remboursements (le document n’est accessible qu’après avoir cliqué sur plusieurs liens et celui donnant finalement accès au document est souvent de petite taille et peu visible en bas de page, alors que l’attention de l’internaute est immédiatement appelée vers la demande d’un devis) que pour les tableaux de garanties (en majorité, ils sont consultables directement sur internet, les organismes assureurs conditionnant l’accès aux tableaux de garanties à un nombre important d’informations à requêter, voire à la transmission d’un devis personnalisé).
L’Union Nationale des Organismes Complémentaires d’Assurance Maladie (UNOCAM) a dressé, en mars dernier, un bilan de cette mise en œuvre plus positif que celui dressé par la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) et ne relevant pas ces difficultés d’accessibilité de l’information. Il a été demandé à l’UNOCAM de compléter son bilan, compte tenu du fait que les éléments présentés concernaient essentiellement des contrats collectifs, et elle en dressera un nouveau bilan en 2021. La DSS procèdera à un examen approfondi de ce nouveau bilan afin d’évaluer que les organismes assureurs ont bien mis en œuvre de manière satisfaisante les engagements pris.
Le sujet de la lisibilité des contrats santé est également suivi dans le cadre d’un groupe de travail du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) dédié à cette question. Ont ainsi été lancés en juin dernier des travaux d’harmonisation des tableaux d’exemples de remboursement et de garanties, en complément de l’accord de place de février 2019. Ils visent notamment à harmoniser les principaux actes présentés dans les tableaux d’exemples et ceux présents dans les tableaux de garanties qui peuvent aujourd’hui être différents, l’accord de place n’ayant pas cette exigence de similitude.
 
Votre prédécesseure avait évoqué la mise en place progressive du tiers-payant intégral. À date, qu’en est-il ? Les complémentaires ont-elles soumis des propositions à l’administration ?
 
Le tiers-payant intégral (TPI) est d’ores et déjà très largement pratiqué dans le secteur de l’optique sur l’offre 100 % Santé (73 % des équipements de la classe A facturés en tiers-payant intégral au cours du 1er trimestre 2020, d’après les données de facturation en SESAM-Vitale). Mais le comité de suivi du 15 septembre a été l’occasion de rappeler l’attention portée par le gouvernement à la progression continue de la pratique du tiers-payant intégral, y compris dans le secteur de l’optique. Il a donc été indiqué qu’un prochain point serait fait sur ce sujet dans les mois qui viennent et qu’en fonction des résultats, le gouvernement pourrait envisager la mise en œuvre de mesures plus directives pour contraindre le développement du TPI.
 
Les agents de la DGCCRF ont-ils déjà procédé, chez des opticiens, au contrôle de la bonne application du dispositif 100 % Santé ?
 
La DGCCRF va lancer une campagne de contrôles sur la mise en œuvre du 100 % Santé à partir du 4ème trimestre 2020. D’une durée d’un an, cette enquête vise principalement à s’assurer de la bonne appropriation des nouveaux modèles de devis par les opérateurs. Les volumes de contrôles envisagés sont d'environ 700 opérateurs dans les différents réseaux de distribution de lunettes et d’audioprothèses médicales (y compris les ventes en ligne). Les suites seront essentiellement à visée pédagogique.

* Cette réunion du Comité a eu lieu le 15 septembre.

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